Pourquoi j’aime la politique ? C’est viscéral, je crois. Mais il y a aussi des raisons plus concrètes.
Les idées, d’abord. Même si on a l’impression dans ces temps incertains où les idéologies ne sont plus à la mode, en ces temps de pragmatisme, de ni gauche, ni droite, en ces temps de mort des utopies et des rêves de vie meilleure, qu’on n’a plus le droit de faire de la politique. Comme si cela était devenu une insulte à l’intelligence. Et pourtant, c’est invariable, cela était déjà vrai dans l’agora des Grecs anciens, dans les jeux de pouvoir de la Rome de César, à la cour de Charlemagne ou de Louis XIV. Cela est vrai, aussi bien pour les plus grands démocrates que pour les pires dictateurs : il s’agit de faire des choix. Des choix qui influent sur la vie des gens. On a beau dire, mais il y a une histoire, une culture de la politique et selon qu’on soit de gauche ou de droite, on ne fait pas les mêmes choix pour la cité. Même au niveau local. On ne choisit pas les mêmes budgets, selon qu’on soit macroniste, lepeniste ou socialiste. Et j’ai la force de mes convictions. Je veux croire en une société plus solidaire et plus juste, en une société plus écologique. C’est une utopie, qui me guide, mais à quoi bon vivre, si l’on ne rêve pas. Si l’on n’imagine pas que le futur sera plus doux, plus beau. La politique est là pour ça : pour se donner les moyens du rêve. Oui, c’est aussi dans ces songes parfois trop vastes que naissent les promesses, les désillusions, les trahisons et les faux espoirs. Mais derrière ces chimères qui les dépassent, agissent et se trompent, et essayent à nouveau, des femmes et des hommes qui rêvent.
L’amour des mots, c’est une raison, aussi. Comment passer les idées, si ce n’est pas le maniement de langue, la communication, l’art subtil du discours, de la rhétorique, de l’éloquence, de la conviction et de la persuasion. J’aime les mots, j’aime les arranger pour qu’ils sonnent et qu’ils fassent vibrer, qu’ils fassent rire, qu’ils fassent frissonner. Qu’ils soient la mise en musique de nos émotions, de notre ressentir. Qu’ils nous fouettent et nous donnent l’énergie de faire. Les paroles sont des actes, en politique. Qu’on les dise ou qu’on les écoute, ils réconfortent et ils apaisent.
Il n’y a pas de politique sans stratégie et c’est une raison supplémentaire pour apprécier l’exercice du pouvoir. Si minime qu'il soit. Faire de la politique, souvent c’est comme jouer au poker. Ou aux échecs. Il y a plusieurs coups d’avance à avoir. Seulement, c’est un jeu à taille humaine, grandeur nature. On joue réellement avec la vie des femmes et des hommes. Avec leur honneur, avec leur ego, avec leurs vanités. C’est un jeu dangereux. C’est un jeu où il faut savoir doser le cynisme et la sincérité. Il faut savoir bluffer et se dévoiler. Il faut comprendre les enjeux et les motivations de chacun. Ce n’est pas un jeu d’enfants. C’est un jeu dans lequel il ne faut rien attendre, jamais, de personne. Mais qui peut gratifier autant qu’il peut détruire. C’est une loterie. C’est un jeu de chance, autant que de stratégie. Mais c’est un jeu dans lequel il faut s’engager entièrement si l’on veut y gagner quelque chose. Il n’y a jamais de don gratuit. On ne vous donnera jamais ce que vous n’irez pas chercher vous-même. Et on le fait pour le jeu, pour l’excitation, pour soi. Un peu comme une roulette russe. Les politiques sont des têtes brûlées qui remettent leur destin dans les mains des électeurs à chaque mandat.
Et puis il y a l’image, la place dans la société. Cela peut sembler illusoire tant la politique ne représente plus rien pour la plupart des gens. Faites un sondage dans la rue : qui connait le prénom de l’actuel premier ministre ? Qui sait réellement à quoi servent les impôts ? Qui fait vraiment la différence entre un service public et un supermarché ? Qui connait le fonctionnement de notre démocratie ? Cependant, on aime à croire que l’on nous aimera parce qu’on fait de la politique. Et parfois, c’est le cas. On aime autant qu’on déteste, mais on se donne l’impression d’exister, de servir à quelque chose, l’impression de vivre vraiment. C’est en cela, peut-être que c’est viscéral, presque inexplicable. C’est la première émotion que j’ai ressentie, il y a 6 ans, lorsque j’entamai ma première campagne des municipales. L’impression d’être à ma place, de savoir pourquoi j’étais là, d’être entièrement moi-même. C’est sans doute ce qui se passe pour ceux qui ont une passion, quelle qu’elle soit. Le sentiment qu’il n’y a pas à se poser de questions. Qu’on fait ce que l’on doit.
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