dimanche 2 février 2020

Bilan 1

On ne peut rien comprendre à la politique tant que l’on n’a pas vécu une campagne électorale. Les sportifs, les joueurs, les artistes peut-être peuvent comprendre cela. Ils peuvent comprendre l’excitation, la peur, l’incertitude, l’espoir. Cependant, c’est une course à long terme, une campagne : bien plus longue qu’un match de foot, bien plus longue qu’un concert au zénith, bien plus longue qu’une soirée au casino. Mais il y a la même joie d’être une équipe, de jouer le collectif, d’avoir un adversaire, de viser un but. Et il y a la même sensation de mettre sa vie en jeu, de pouvoir tout perdre ou tout gagner. Il y a la même envie de tout donner pour plaire, pour faire rêver, pour donner de l’espoir.

Cela peut paraître lyrique, grandiloquent, exagéré. On ne peut pas vraiment le comprendre sans l’avoir vécu. Car les motivations de chacun sont différentes : la gloire, la lumière, l’argent sont des objectifs très illusoires. Il y a plus souvent des choses bien plus humaines, bien plus minuscules. Moi, par exemple. Pourquoi je m’engage ? Cette question m’obsède, au point d’en écrire des romans. Il y a des milliers de réponses, en vérité. Les rencontres, les gens, l’envie d’autre chose, le besoin d’apprendre, de m’élever. Des choses qui peuvent paraître plus mesquines et plus égoïstes, aussi, parce que c’est cela qui nous constitue, aussi, nous, les êtres humains : le besoin de m’évader de mon travail tellement épuisant, bien qu’il soit passionnant. Le besoin de voir autre chose, de n’être pas seulement avec des ados dans une salle de classe. Parce que la vie est une aventure et qu’être élue, avant même mon premier mandat, j’en avais l’intuition, serait une belle façon de découvrir le monde dans lequel je vis. De découvrir les Hommes. Leurs joies, leurs peines, leur beauté et leurs vices. Et croyez-moi, on n’est pas déçu, quand on ne cherche que soi, à travers les autres.

Il n’y a pas d’explication compréhensible pour celui qui n’a expérimenté cela. Il n’y a pas d’explication pour être adjointe, pour quelques centaines d’euros par mois (ce n’est pas négligeable), pour passer des heures en réunions, sur des sujets aussi variés que le Plan Local d’Urbanisation, sur le budget d’une ville, sur les travaux de la rue tartempion, sur l’organisation de la venue de la délégation de la ville belge avec qui notre ville est jumelée. Il n’y a aucune raison, pour volontairement, et pour quelques centaines d’euros par mois (c’est tout à fait considérable), de passer des soirées au loto de l’harmonie, à l’exposition de peinture des amateurs d’art, de passer des dimanches après-midi à tenir une caisse au festival Rencontres et Racines. Il n’y a aucune raison, sans doute, pour le commun des mortels, à être d’astreinte, à parfois être réveillée en pleine nuit pour aller constater un accident de la route, une fuite de gaz, un terrible incendie. Pour quelques poignées d’euros, encore heureux.

Il ne semble pas y avoir de bonnes raisons. J’ai une décharge au travail. C’est une bonne raison. Les quelques centaines d’euros compensent juste. Ce n’est pas pour l’argent.

Il ne semble pas y avoir de bonnes raisons. Je n’ai aucune ambition personnelle, si ce n’est d’aller où la vie me pousse. Au bout de six ans de bons et loyaux services, on ne me reconnait pas dans la rue. Ce n’est pas pour la gloire ou la lumière.

Il ne semble pas y avoir de bonnes raisons, si ce n’est la découverte. La rencontre, l’humain. Et peut-être l’idée obsédante que l’on n’est pas vraiment humain si l’on n’essaie pas de s’élever.

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